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science fiction - Page 9

  • Stargate (1994) vs. Transformers (2007)

    Deux films de Roland Emmerich et Michael Bay

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    Le combat cinématographique du jour oppose deux poids lourds, deux blockbusters qui ont plus de points communs qu’on pourrait le croire. Oeuvrant chacun dans le registre d’une science-ficion spectaculaire, épaulés par des moyens financiers importants (net avantage à la pesée à Transformers, 150 Millions $ contre 55 pour Stargate), les deux films dépeignent un monde, le nôtre, dont l’avancée technologique provient d’une civilisation extra-terrestre.

    Alors que, dans Stargate, la civilisation égyptienne trouve son origine par la venue d’extra-terrestres qui arborent les symboles plus tard connus sous le noms de hiéroglyphes et autres divinités animales, Transformers fait la part belle à un espèce robotique d’où provient en secret toutes les avancées technologiques significatives du XXème siècle. Le déclencheur de l’histoire, pour les deux films, réside dans un objet de la vie courante qui rapproche les spectateurs des personnages ; une simple paire de lunettes cassée pour Transformers, une carte des constellations trouvée dans un journal pour Stargate. Et finalement, un même rapprochement avec les constellations qui gravitent autour de la Terre : force universelle des mythes. Centrés sur objets parents, des volumes géométriques sans connotation (le Cube pour les Transformers, et la pyramide, pour Stargate, tous deux sources du pouvoir des espèces), les narrations se prêtent aux mêmes déploiements de force militaire. Ce thème paraît au premier abord secondaire mais éclaire au contraire une conception de l’histoire très américaine : d’une part, il remet tout à plat et redémarre l’Histoire de zéro (tous les pays, quelque soit leur participation dans les avancées technologiques ou l’histoire religieuse, est concernée), d’où l’aspect "universel" de ces films, et de l’autre, s’arrange tout de même pour que les découvreurs ou les exploitants soit de bons américains. Ainsi, c’est l’armée américaine qui conserve le Cube dans une base qui rappelle fortement la Base 51 dans le Nevada, et le Colonel O’Neil qui encadre la mission de reconnaissance dans le monde qui s’ouvre au passage du Stargate. L'histoire n’est donc plus le fruit du labeur des hommes et de leur ingéniosité, mais leur a été apporté, transmis par d’autres espèces, dont nous sommes réduit à exploiter et comprendre les techniques.

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    Comme souvent, tout ce qui touche aux extra-terrestres étant l’affaire de l’armée, seule force à pouvoir endiguer une potentielle menace : voir Le jour où la Terre s’arrêta (1951 et 2008), Mars Attacks ! (1996), Avatar (2009), Independence Day (1996), ... L’affrontement qui se joue, entre l’armée butée qui a toujours tendance à utiliser un bazooka pour tuer une mouche, et la communauté scientifique et intellectuelle, visant d’abord à comprendre son ennemi, est à l’œuvre. Les démonstrations de force se révèleront inefficaces devant la puissance de feu déployée par les extra-terrestres, technologiquement bien plus avancée que la nôtre ; dans Stargate, Râ ne dit-il pas avoir choisi la Terre pour sa facilité à être dominée, les humains étant à la fois si fragiles, et dans le même temps "si faciles à réparer" ?

    Le sérieux des autorités trouve un contrepoids dans le vrai héros de l’histoire, qui, dans l’un, est un scientifique gaffeur toujours dans la lune, et dans l’autre un gamin comme tous les autres ; alors que celui-ci ne s’attend pas à être soudain poursuivi par une horde de robots dans un combat dont il est totalement étranger, pour Daniel Jackson, c’est la concrétisation de ses rêves : démontrer que la civilisation égyptienne est plus vieille qu’on ne le dit, et que ce ne sont pas les égyptiens eux-mêmes qui sont responsables de la construction des pyramides. Ainsi, il est beaucoup plus dans son élément dans l’autre monde, celui de la science-fiction, que dans celui de tous les jours où il n’est qu’un ahuri que tous discréditent. La fin du parcours du scientifique fera tout à fait sens par rapport à cette transformation. Dans Transformers, par contre, le jeune Sam Witwicky vit sa rencontre avec les Autobots de façon traumatique : il passe son temps à courir, essayant d’échapper à l’appel science-fictionnel, tandis que Daniel ne demande qu’à s’y fondre, apprenant le dialecte des autochtones. Le décalage provoque la drôlerie et imprime un rythme effréné à Transformers, montage cut et shaky cam inclus, tandis que le rythme de Stargate va plutôt vers plutôt l’exploration d’un monde totalement nouveau, laissant le temps à certains plans d’introduction au monde où le spectateur s’émerveille. Le plan de la pyramide et des trois lunes, ou celui de l’arrivée de Râ avec son masque, tel une momie incarnée, sont toujours saisissants.

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    Bay et Emmerich sont tous deux des techniciens hors pair ; leur goût pour la démesure les attire toujours vers le films à gros budget qui défouraille à tout va ; et, à partir d’un moment, c’est ce qui se passe pour les deux films. Transformers lâchant au passage un début de film qui ressemble à un final pour tout bon film d’action qui se respecte. On l’a compris, Transformers lâche beaucoup plus de lest que Stargate concernant l’action, mais ce dernier n’est pas en reste : les représailles de Râ ne font pas dans la dentelle et casse d’ailleurs le rythme du film ; il laisse ainsi apparaître un squelette consacré aux cahier des charges classique d’un blockbuster, qui vise à maintenir l’attention de l’auditoire par de grandes scènes d’action qui ponctuent régulièrement le film. C’est peut-être la seule vraie sortie de route de Stargate, qui autrement donne vie à une mythologie dont les ramifications sur notre monde sont intéressantes. Tout comme Transformers, on ne s’étonne pas que la mythologie mise en place soit exploitée à d’autres occasions : films pour Transformers, de nombreuses séries pour Stargate, faisant écho au "On se reverra" final du Colonel O’Neil.

    Le terrain de jeu de Transformers, c’est la mythologie américaine, peuplée de voitures aux carrosseries brillantes et couleurs clinquantes et de jolies filles en débardeur ; il se situe aussi dans une dynamique de jeunisme typique des années 2000, avec son histoire centré sur un groupe d’adolescents : ce sont eux les piliers de l’histoire, certains rivalisant avec les scientifiques et les informaticiens les plus chevronnés. De plus, Transformers restant une série de jouets puis une série d’animation résonnant dans l’enfance des trentenaires d’aujourd’hui, le ton était donné. L’ambiance est donc très branchée et second degré, ce qui n’est pas le cas de Stargate.

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    Introduisant rapidement le traumatisme du Colonel O’Neil (son fils a perdu la vie en empruntant une de ses armes) et y revenant assez régulièrement, les bases psychologiques des personnages sont plus graves, même si l’humour ne manque pas. Sans aller jusqu’à abonder dans le sens d’Emmerich qui voyait dans Stargate son "Lawrence d’Arabie dans l’espace" ( ?!), on reconnaîtra sans peine une teneur plus adulte au film (notamment sur les questions de la mort et de la recherche des origines). Attention, cela ne veut pas dire que l’approche de Transformers est moins pertinente : le film est très sympa lorsqu’il s’attarde justement à la vie de Witwicky, plutôt qu’aux combats entre robots : une belle réussite dans le genre, cependant trucidé par un deuxième épisode affligeant.

    Entraînant son long métrage sur les terres du blockbuster épique, il lui adjoint la musique un brin pompière de Steve Jablonsky qui fait du Hans Zimmer. Pas inefficace, mais pour le coup pas vraiment second degré. On aura cependant du mal à ne pas en apprécier l’empreinte épique laissée par des morceaux comme Arrival to Earth ou Autobots. Malgré tout, voici deux films qui remplissent tout à fait leur rôle, adjoignant au plaisir de visionnage immédiat un vrai souffle. Et l’on se surprendra, de temps à autre, à repenser à ces robots trop humains pour être vrais, et à cette grande pyramide qui semble plus haute que le ciel lui-même. De bons exemples de blockbusters réussis, ce qui, on ne le sait que trop bien, deviennent de plus en plus rares.

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  • Mondwest (1973)

    Un film de Michael Crichton

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    Pour nous dernier film à voir  du regretté Michael Crichton, Mondwest (Westworld en version originale) est aussi le premier essai cinématographique de l'auteur de Jurassic Park. Le déroulement du scénario de ce film rare (MAJ d'avril 2012 : enfin édité par Aventi en DVD et blu-ray) préfigure largement celui des dinosaures, dépeignant une sorte de parc d'attraction dans lequel les attractions vont se retourner contre les touristes.

    Le film débute par un journal télévisé où un reporter présente avec fièvre le dispositif de loisirs de Delos, interrogeant des touristes sortant juste de leur escapade. Crichton aime à cibler la télévision comme miroir déformant de la société, comme ce sera le cas pour Looker, dont le premier plan nous gratifie d'un film publicitaire.

    Dès cette introduction, la ligne de démarcation entre réel et/ fiction est ambiguë. On se vante d'avoir tué des cow-boys, d'avoir vécu comme au temps de l'ouest (ou à l'époque médiévale, ou romaine). L'hésitation d'un homme à qualifier son expérience, entre expérience réellement vécue mais dans le fond entièrement fabriquée, est très parlante. 

    Deux hommes, dont l'un a déjà tenté l'expérience par le passé, vont vivre à l'heure de l'ouest dans un environnement entièrement peuplé de machines, reproduisant dans un mimétisme confondant l'être humain. Il n'est donc pas possible de les différencier d'avec des humains véritables. C'est cette idée que j'ai trouvé remarquable dans le film, cette hésitation constante à qualifier ce qu'il se passe à l'écran en fonction de qui est dans le champ de la caméra. Robot ou humain ? Même le serpent, qui mordra vigoureusement un des deux hommes (James Brolin), est synthétique. Montrant les dangers d'un environnement peuplé de machines qu'on ne peut départager des hommes, Mondwest un vrai film cyberpunk avant l'heure, n'exploitant malheureusement que peu les potentialités de son sujet en or. Pour moi, Crichton, c'est un peu ça : un homme qui trouve des concepts géniaux mais qui ne sait pas les sublimer par le processus cinématographique. La progression narrative, notamment, est extrêmement lente, nous montrant plusieurs fois la même procédure sans valeur ajoutée (l'hôpital pour robots, une autre des passions de Crichton, alors futur producteur d'Urgences). Dans un monde fabriqué, peu d'enjeux apparaissent lorsque les robots sont à la botte des humains (ils se battent à chaque fois qu'un touriste a envie de sortir son pistolet), même si le film, finalement un des meilleurs de Crichton, réussit un truc énorme : les hommes couchent avec des robots ! Et, à ce qu'ils en disent, ils ne trouvent ça pas si mal...

    Un fois les décors plantés (les deux autres mondes ne font que de la figuration, le sujet du film étant bien uniquement le Westworld), les robots accusent de plus en plus de pannes : comme une rébellion contre une domestication forcée, ou bien encore la reproduction du processus de dérèglement de la société humaine. Car si l'exercice est factice en apparence, les balles sont bien réelles et peuvent tuer. L'univers du film semble d'abord extrêmement contrôlé, montrant une salle remplie d'informaticiens créant les codes nécessaires à l'application des tâches (ainsi, ils ne disent pas "tel personnage marche dans la rue et interrompt une conversation", mais plutôt "tangente delta à oméga, nouvel indice filaire", bref une interface numérique assez inédite à l'époque dans le panorama cinématographique américain, qui a toujours intéressé Crichton. Le Truman Show de Peter Weir ira même copier une séquence entière, celle où l'on découvre la mise en marche du monde le matin ; les personnages, d'abord immobiles, commencent à marcher et à vaquer à leurs occupations après un compte à rebours : mise en abîme du processus de tournage d'un film, lui-même mise en abîme de la création du monde. Mondwest est donc un film qui ne manque pas d’intérêt, mais cinématographiquement pas très réussi, faute de rythme et d'idées non abouties. Mais rien que pour Yul Brynner en cow-boy indestructible tout droit sorti des Sept mercenaires, ça vaut le coup d'œil...

  • Dark City Director's Cut (2009)

    Un film de Alex Proyas

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    En 1998, date de sortie du film d'Alex Proyas, personne n'était prêt pour assister à un tel spectacle : on a pu dire aussi pudiquement que "le film n'a pas trouvé son public" ; on se rappelle pourtant bien la grosse impression que le film nous avait laissé en salles, pourtant vu en version française (indigne quand on connaît la version originale), et en pleine fête du cinéma, entre fille d'attente interminable et coincé dans un planning chargé entre Les visiteurs 2 et Vampires de John Carpenter. Bref, rien n'indiquait que Dark City devienne avec les années l'objet cinématographique sur lequel la majorité des cinéphiles aujourd'hui tiennent pour un authentique chef d'œuvre. 

    Préfigurant un courant de films dépeignant des mondes impersonnels, préfabriqués vécus comme des prisons (Truman Show, Matrix), Dark City nous plonge dans une odyssée ténébreuse assez fascinante, que son réalisateur n'a malgré tout pas façonné à son envie lors de la sortie en salles. 

    Démonté par des projections-tests pourtant pas si désastreuses, le studio New Line a imposé à Proyas l'ajout d'éclaircissements et de déplacements de séquences entières dont le cinéaste se serait bien passé. Déjà pas très à l'aise face un dépassement de planning conséquent (le tournage, des 65 jours initialement prévu, dura finalement presque trois mois), il prit sur lui de rajouter une voix-off dès la séquence pré-générique, montrant le personnage du docteur Shreber déambuler dans Dark City. Elle détaille alors le monde de l'obscurité laissé au mains des Etrangers, conduisant des expériences sur leurs habitants.
    Juste après cette narration éliminant les zones d'ombres du début, on est témoin d'une première scène, durant laquelle tous les habitants tombent comme endormis, le temps lui-même se figeant à minuit, comme en témoigne de nombreuses horloges. Comprise comme une démonstration logique des fameuses expériences dont nous a averti la fameuse voix-off, le spectateur, s'il reste fasciné par la facture visuelle du passage, n'est pas vraiment décontenancé. Il en sera tout autre dans la version Director's Cut qui arrive ces jours ci dans les bacs : oubliée, la voix-off explicative et la première séquence, déplacée jusque dans le second acte du film. Bienvenue à une ambiance bien plus mystérieuse, où le regard du spectateur épouse totalement celui de Murdoch (Rufus Sewell), en quête de son identité, comme il se demande aussi dans quel monde il est tombé.
    Murdoch évolue comme dans une sorte de jeu vidéo d'exploration, dans lequel chaque lieu est visuellement identifié par une signalétique et des artefacts singuliers (l'Automat, l'hôtel, la piscine, et le lieu qui cristallise la réponse à toutes les questions, Shell Beach). Sur fond de cette quête d'identité, et celle, sous-jacente, de savoir si les souvenirs font de l'homme ce qu'il est, on assiste à une intrigue mêlant adroitement polar, science-fiction et fantastique. Comme avec Truman Show ou d'autres films de SF claustrophobiques, la mer représente une porte de sortie universelle (parfois illusoire), un espace des possibles là où l'horizon, comme l'avenir, peuvent exister sans limites (voir aussi La planète des singes, Les fils de l'homme, Passé virtuel, etc.).

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    Dark City se caractérise dès son titre comme un film noir, selon l'appellation canonique des critiques français des années 40 et 50. La ville est un véritable personnage, vivant, remodelée à l'envi, remplie de rues d'un noir d'encre, rehaussée d'une lumière jaune industrielle, dans laquelle errent des personnages archétypaux : Anna, la chanteuse de cabaret (Jennifer Connelly, qui retrouve pour le Director's Cut sa voix originale lors des chansons), Bumstead le flic (William Hurt), la prostituée, et les méchants en longs manteaux et chapeaux mous, échappés d'un cauchemar de Proyas. L'esthétique générale doit beaucoup aux films des années 40, entre les voitures, les vêtements, l'allure des magasins... La confrontation de cette esthétique avec la présence des Etrangers compose l'ambiance rétro-futuriste propre aux récits de science-fiction.

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    Dark City superpose une ambiance très film noir à quelques personnages et objets issus de la science-fiction, et c'est dans ce mélange réussi que Dark City prouve son importance, grâce à des décors gigantesques superbement éclairés par Darius Wolsky (directeur de la photo des derniers films de Tim Burton). Entre les seringues d'implants, très présentes dans le récit, l'espèce de savant fou (Shreber) joué par Kiefer Sutherland et la véritable apparence des Etrangers, la dimension science-fictionnelle n'est présente que par petites touches durant le récit, pour mieux exploser dans le final. Tout le film durant, c'est plutôt un feeling fantastique qui étreint le spectateur. Sherber et Murdoch sont d'ailleurs des personnages qui se répondent l'un l'autre, étant les seuls humains à ne pas subir le gel du temps ; est-ce également un hasard si leur oeil droit est à moitié fermé ? Malgré leur potentiel avantage sur le reste de la population, ils demeurent aveugles sur leur passé. Comme les autres certes, sauf qu'ils ont conscience de l'avoir perdu.

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    Le fantastique vient de la rupture entre un univers plausible, ressemblant à celui que l'on expérimente chaque jour, et des événements extraordinaires qui mettent à mal les lois fondamentales du monde : ici, l'arrêt du temps, et l'endormissement instantané de toute la population joue ce rôle de rupture qui provoque l'étrangeté du récit et donc la curiosité du spectateur à en savoir plus. En déplaçant la séquence d'endormissement dans le second acte, Dark City sembla apporter une partie de réponse au spectateur tout en lui en intimant d'autres, plus prégnantes encore : la raison d'être de tout ce cirque. 

    Ce qui dessert le film est certainement son aspect trop construit, trop cérébral, échappant trop à la réalité justement, la majorité des spectateurs manquant de points d'accroches pour apprécier l'intrigue. Effectivement, les personnages agissent comme des sortes de clichés, principalement par le rythme précipité de la version cinéma. Le Director's Cut, ajoutant quelques brefs passages supplémentaires, notamment lors de simples conversations (entre Shreber et Anna dans son bureau, entre Bumstead et Anna), humanise grandement les personnages. Des intrigues secondaires (la fixation sur les empreintes en spirales, la fillette de la prostituée) contribuent également à la plus grande richesse du film, œuvrant dans le même temps pour une meilleure cohérence. Pour un film déjà bon, encore meilleur dans cette version initiale visible des années après.

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    Film de genres, Dark City est aussi, au final, un grand film romantique, dont les accompagnements musicaux ne trompent pas lors de séquences entre Murdoch et Anna. Aux sonorités métalliques, industrielles et violentes (mais néanmoins mélodiques), s'opposent des tonalités plus douces qui font la véritable fin de Dark City, dans une toute dernière séquence offrant un contrepoint sensible et espéré, pas évident cependant ; mais bien intégré dans la continuité. Les êtres, changeant, se retrouvent tout de même comme si, malgré la mémoire, une forme d'attrait universel unissait les âmes à travers le temps. Après tout un film dans le noir, il fallait oser, et ça aurait très bien pu ne pas passer : ici c'est juste magnifique, grâce aux dialogues à l'économie et au couple d'acteurs. 

    Le blu-ray sorti chez Metropolitan nous sert une copie perfectible, pour cause d'abus de Digital Noise Reduction (les contours des personnages sont surmontés d'un surcontour blanc, les détails des textures sont amoindris). Outre ce défaut certes rédhibitoire, c'est la première fois qu'un support français nous propose le Director's Cut, qui plus est accompagné de la version salles.

    Les bonus sont éclairants, à commencer par une très intelligente fonction de notes tout au long du film détaillant les différences entre les deux versions, décodant aussi certains symboles semés au gré des décors. Deux documentaires, l'un très sincère sur les difficultés du processus de création du film, l'autre analytique, complètent le programme de façon très a propos. C'est tout simplement un indispensable.

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    Source images : capture dvd Metropolitan - version cinéma

  • Commando (1985) vs. Predator (1987)

    Deux films de Mark Lester et John McTiernan

    4962612905_99ee83a26e_m.jpgDeux ans après le sympathique Commando, les fans de gros muscles retrouvaient Monsieur Univers 1977 dans un film bien différent, bien qu'entretenant tout de même des similitudes avec le premier film ; indifféremment de leur fortune artistique et commerciale.

    Les deux objets se définissent, par leur casting, comme des "films de muscles" : la carrure surréaliste de Schwarzenegger impressionne toujours autant au visionnage. Mais, alors qu'il est seul représentant de cette culture du corps dans Commando, toute son équipe joue d'égal à égal avec lui dans Predator. Et c'est déjà là une différence fondamentale.

    Matrix (Schwarzenegger), dans Commando, incarne un ancien membre des commandos d'élite, qui, une fois que sa fille a été enlevée, devient une véritable machine à tuer invincible, étanchant une soif de violence et de vengeance jamais rassasiée. Personne ne peut lutter. Le film le présente en véritable demi-dieu de puissance, tel Hercule sorti de ses douze travaux : soulever une cabine téléphonique (occupée), une voiture, ne perdant pas une occasion d'exhiber ses attributs monstrueux, Arnold Schwarzenegger est seul contre tous ; mais ils sont si faibles... on a presque pitié de tous ces volontaires au massacre.

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    Dutch, dans Predator, est le chef d'une équipe de gros durs appelés par la CIA pour récupérer deux agents dont ils ont perdu la trace au beau milieu de la jungle. Son équipe joue d'égal à égal avec lui, que ce soit Dillon (Carl Weathers, Apollo Creed dans la saga Rocky), Cooper (Jesse Ventura), chiquant à tout va, ou Billy (Sonny Landham, monumental bonhomme qui a une fin de héros, une vraie). La réussite de Predator vient en partie de cette confrontation entre des hommes surentraînés présentés comme les meilleurs, et l'entité du Predator, supérieure malgré tout. De fait, Arnold n'est pas un dieu ici, il n'est qu'un homme qui, malgré ses qualités physiques, est dominé. La confrontation est donc plus équilibré, là où Commando prend des airs de jeu de massacre (qui a aussi ses qualités). De cet équilibre des forces en présence découle également une force dramatique plus établie : leur mort sera douloureuse, sanglante et marquante pour le spectateur. Là où Commando, alignant comme au jeu de tir dans une fête foraine les victimes, ne cherche pas la même puissance. Il lui préfère un esprit très jeu vidéo, où le héros décanille à tour de bras -146 morts selon Wikipédia- et lance des punchlines définitives (ce dont Predator fait globalement l'économie). Là où Commando est une BD excessive comme c'était la mode dans les années 80, Predator s'oriente vers un cinéma d'aventures à l'ancienne, avec des protagonistes 80's dont les muscles ne sont pas la principale attraction. Commando s'évertue à reprendre la recette du Terminator, l'acteur y continuant son jeu de tête (balayant l'espace de gauche à droite les sourcils froncés) et sa détermination robotique -le passage dans la première base, où il tue un garde et le balance aussi sec, sans réfléchir, dans un placard, avant de récupérer son otage / complice (Rae Dawn-Chong, vue plus tard dans Crying Freeman, 1995).

    Les deux films débutent cependant presque de la même façon, c'est à dire sans situation initiale. Predator s'offre un unique plan (dans l'espace, un vaisseau s'approche de la Terre pour y balancer une capsule spatiale), puis on entre dans le feu de l'action, avec ces hélicoptères qui survolent la jungle -figure esthétique marquante pour McTiernan, qu'il reprendra jusque dans Basic (2003) : réminiscence de la guerre du Vietnam. Commando, lui aussi, n'a pas de début : la première séquence, voyant Matrix et sa fille (Alyssa Milano) rigolant dans leur chalet, est déjà drôle. Deux minutes plus tard, débarque le commando qui va le forcer à reprendre du service. Dans cette accélération du mouvement, les deux films se réclament d'une narration économique, allant directement à l'essentiel, comme toute bonne série B qui se respecte.

    4962612837_2c7b95d60e_m.jpgPredator a pour lui de jouer avec le spectateur et ses attentes ; film de guerre-jungle dans la première partie, il dérive vers la science-fiction dans la deuxième, divisant également le temps entre les deux. Le plan du début nous avait pourtant prévenu de la même manière, alternant directement avec les plans de jungle. Le surnaturel intervient de façon crédible via les réactions des personnages, affolés par une présence qu'on ne voit pas (le camouflage thermo-optique du Predator). La jungle, admirablement filmée par McTiernan, recèle déjà de cette qualité surnaturelle, avec son avalanche de vert, dévoilée lors de travellings gracieux, enfermant les hommes qui vont revenir à l'état d'animaux traqués. Car, plus que l'aspect fantastique du récit où une créature extra-terrestre vint sur Terre pour en finir avec les humains, c'est la chasse qui est importante. Le predator est un chasseur, respectueux de ces proies (il les prend une par une, en faisant des trophées, là où les membres du commando tuent par centaine et gaspillent des milliers de balles en quelques secondes, atomisant la forêt). Le predator appelle à une dimension primitive vers laquelle va revenir Dutch (son cri primaire pour attirer la créature vers la confrontation finale, qui se jouera uniquement aux armes de bois). Sous ses airs de production typique 80's (ce qu'il est, assurément), se terre une dimension plus profonde qu'à l'ordinaire, tout en ne reniant pas une seconde sa qualité de film d'action musclé.

    Commando, lui, file tout droit depuis le début jusqu'à la fin dans une accumulation de morts virevoltantes (les sauts au trampoline) et comiques (les cris, le tir du bazooka à l'envers), en direction d'une séquence de fin de niveau de jeu, le héros partant à la fin avec la fille. La fin de Predator est plus... apocalyptique.

    Malgré leur retentissement tout à fait opposé, les films ont été tous deux parodiés dans Hot Shots 2 (1993), l'un pour ses morts à répétitions, l'autre pour sa séquence de débarquement dans le camp des tortionnaires au début du film, lorsque Dutch et son équipe font une véritable boucherie en ne laissant aucun survivant. Ayant à la fois beaucoup et peu en commun, les deux films jouissent depuis lors d'une réputation tout aussi disparate : Predator est, avec les années, devenu un modèle difficilement surpassable du film d'aventures, tandis que Commando a fait son bout de chemin en tant que film culte, avec ses répliques improbables et son accumulation de situation surréaliste. Le chemin du héros rappelle d'ailleurs celui de Lei Li (David Chiang) dans La rage du Tigre (1971), qui doit valoir la scène finale de Commando, au moins pour le nombre de morts...

  • Looker (1981)

    Un film de Michael Crichton

    4843137106_2d44a57b51_m.jpgIl y a quelques temps, au tout début de mon aventure blogophile, j’avais vraiment apprécié Morts suspectes, le deuxième long-métrage de l’auteur de Jurassic park. Depuis, ayant subi un Runaway - l’évadé du futur tout de même bien bis (un aspirateur qui tient un flingue et tire sur tout ce qui bouge, je m’en souviendrais encore longtemps), l’enthousiasme était quelque peu retombé. La jaquette DVD de Looker m’avait cependant toujours intrigué (au même titre que l’affiche de Westword et son Yul Brynner robotisé, du même réalisateur), avec ses couleurs bleutée et les mystérieuses lunettes argentées que porte Albert Finney.

    Dr. Larry Roberts (Albert Finney) est chirurgien esthétique. Il est approché par quelques mannequins qui, successivement, lui demande de procéder à quelques menus changements sur leur personne : rectifier un bosse sur leur menton de 0.1 millimètre, rehausser la pommette droite de 0.2 millimètres… Étonné mais désireux de ne pas perdre ces riches clientes, il obtempère ; quelques semaines plus tard, elles sont retrouvées mortes.

    Alliant le monde médical et des morts inexpliquées, le film rappelle le principe de Morts suspectes (Coma). Mais dès le début, un aspect change la donne : la charge sans concession contre la publicité, et plus généralement la manipulation potentielle de la société des écrans, qu’on avait pu observer dans Osterman Week-End (Sam Peckinpah, 1983), et qui donnera un des meilleurs film de David Cronenberg quelques années plus tard, Videodrome (1985).

    Le film s’ouvre ainsi sur une publicité de parfum mettant en scène un des modèles au destin funeste. On épouse alors la vision du docteur Roberts qui va mener sa propre enquête pour se disculper, sa proximité récente avec les victimes faisant de lui un suspect potentiel. D’un polar teinté de critique des médias, le film bascule alors doucement vers l'anticipation, dans laquelle les mannequins doivent approcher la plus grande perfection plastique pour correspondre à des canons définis artificiellement pour "inoculer" un message précis dans la tête du spectateur. Ce basculement s’opère tout d’abord par des flashs de lumière blanche que voient les mannequins juste avant de mourir, accompagné par un design sonore décapant, qui met le spectateur du film dans la position de la victime. Leur caractère inexpliqué et l’influence manifeste qu’ils ont sur le comportement de la victime (ce n’est qu’en conséquence de ces flashs qu’elles se défenestrent, comme en transe) en font le cœur du mystère, qu’Albert Finney va essayer de pénétrer.

    Un argument technologique est, on le voit bien, toujours au centre des préoccupations de Crichton, et on ne peut qu’être, comme lui, fasciné par les possibilités qu’il dévoile en ce début d’années 80. Car il parle, ni plus ni moins, d’acteurs synthétiques ! Refaçonnés physiquement par la science, ils répètent et répètent encore les mêmes gestes, devenant eux-mêmes des robots, pour coller au plus près de la programmation qui a permis de créer virtuellement le spot publicitaire au préalable : le film préfigure en cela, ni plus ni moins que les systèmes de prévisualisations qu’utilisent aujourd’hui les grands studios pour les scènes à effets spéciaux numériques. Crichton en tire des fulgurances visuelles évidentes, à l’image du scannage d’une mannequin dans l’obscurité, qui se fond dans une projection lumineuse : une véritable imagerie du futur en marche.

    Plus peut-être que cet aspect novateur, c’est la critique de l’image, artificiellement formatée, manipulatrice, qui est chère à Crichton. Une société des apparences où de richissimes industriels manipulent l’audience pour leur bénéfice personnels. Un thème primordial, mais aussi un parmi d’autres tant le film joue sur plusieurs niveaux, certainement trop d’ailleurs. Le film arrivera ainsi à sa fin sans qu’on comprenne trop pourquoi les mannequins sont poussés au suicide, clôturant abruptement la réflexion engagée. Une expérience foisonnante et parfois fascinante, mais frustrante, entre pur film de genre et polar (et qui a pour lui un thème  musical imparable). Pour l’explication des lunettes argentées, regardez le film, dont voici la bande annonce :